Fils de Gérard Galopin,
professeur de droit civil à l'Université de Gand puis à celle de Liège,
dont il sera également recteur, Alexandre Galopin est issu d'une
ancienne famille liégeoise. De son mariage en 1908 avec Élisabeth
Verriest, fille de Gustave Verriest, professeur à la faculté de
Médecine de l'Université catholique de Louvain, naissent six enfants
dont Élisabeth, épouse de Pierre de Bonvoisin. A l'issue de brillantes
études d'ingénieur civil à l'Université de Liège en 1902, il poursuit
sa formation à l'étranger notamment en Angleterre, en Allemagne et en
France où il se lie avec Henri Le Chatelier, chimiste réputé,
professeur au Collège de France. A son retour en Belgique, il entre en
1904, avec l'appui de Georges Laloux, à la Fabrique nationale d'Armes de Guerre, où
il s'impose un apprentissage sur le tas comme ajusteur puis
dessinateur, pour gravir ensuite rapidement les échelons de la
hiérarchie grâce à sa compétence technique et ses dons d'organisation.
Fondateur du laboratoire de recherche de la F.N., il fait œuvre de pionnier dans le domaine de la recherche développement au sein de l'industrie belge. Directeur de la F.N. dès
1913, il se met à la disposition du gouvernement belge pendant la
première guerre mondiale. Sa réputation lui vaut d'être appelé en 1915
par Albert Thomas, ministre français des Armements, pour organiser la
production en série de fusils. Le succès de la méthode Galopin incite
le gouvernement français à lui confier l'organisation de la fabrication
de mitrailleuses et de moteurs d'avion. A son retour en Belgique après
la guerre, il réorganise la F.N. dont il devient
administrateur-directeur général en 1922 et participe comme expert
auprès des délégations belges dans plusieurs conférences
internationales. Lorsqu'en 1923, Jean Jadot décide de rajeunir la
direction de la Société Générale en faisant appel à des hommes
de terrain, Alexandre Galopin est du nombre. C'est à lui que revient la
tâche de réorganiser et moderniser les intérêts de la Société Générale dans
l'industrie charbonnière. Pour remédier à la faible compétitivité du
bassin du Borinage, il en restructure les sièges d'exploitation et crée
un complexe industriel de valorisation du charbon avec la constitution
des sociétés dé Carbonisation centrale et Carbochimique. Au-delà des mesures de rationalisation à l'intérieur du groupe de la Générale, il
joue un rôle décisif dans la cartellisation de l'industrie charbonnière
en accord avec Evence III Coppée, gestionnaire des intérêts de la Banque de Bruxelles dans
le secteur, en fondant en 1929 des comptoirs de vente des charbons
industriels et de coke. Avec la création en 1935 de l'Office national
du Charbon, premier cartel obligatoire instauré en Belgique suite à la
crise, il devient avec Coppée le véritable responsable de la politique
charbonnière belge jusqu'à sa mort en 1944. Non content de gérer les
affaires charbonnières, Galopin représente la Société Générale dans de nombreuses entreprises industrielles surtout dans la métallurgie. Il reste administrateur-délégué de la F.N. jusqu'en 1932 et préside La Brugeoise et Nicaise et Delcuve (1924-1934), les Ateliers métallurgiques (1926-1932), la S.A. John Cockerill (1933-1944), la Providence (1935-1944). En 1932, il devient vice-gouverneur et succède en mars 1935 à Émile Francqui, en qualité de gouverneur de la Société Générale. A
ce titre il est étroitement mêlé aux pourparlers des banques privées
avec le ministre des Finances Max-Léo Gérard à propos de la réforme
bancaire et s'oppose avec succès au projet socialiste d'instaurer un
contrôle des établissements financiers non bancaires, autrement dit des
holdings. De 1935 à 1939, il préside également la Banque de la Société Générale issue de la scission des activités bancaires et des intérêts financiers et industriels de la Société Générale. Régent de la Banque Nationale, vice-président de la Banque des Règlements internationaux, Galopin
est à la veille de la guerre l'un des dirigeants les plus en vue de
l'économie belge tant par le rayonnement de sa personnalité qu'en
raison du poids de la Société Générale qui est réputée en
détenir le contrôle à raison du 40%. Mais c'est son rôle pendant la
seconde guerre mondiale où il attache son nom à la doctrine Galopin et
au comité Galopin qui lui vaut d'être resté dans la mémoire collective
et de susciter des controverses non encore éteintes à ce jour. Au
centre du débat se situe l'interprétation de la mission confiée par les
ministres Paul-Henri Spaak et Camille Gutt le 15 mai 1940 aux trois «
Grands » de la banque, Alexandre Galopin, Max-Léo Gérard et Fernand
Collin, mission invoquée à la fin de la guerre par bon nombre
d'industriels pour se défendre des accusations de collaboration
économique. Toujours est-il que dès le début de la guerre, Galopin
réunit régulièrement un groupe de hauts dirigeants de l'industrie et de
la finance pour définir la politique à suivre face à l'occupant. Ainsi
se forge la doctrine Galopin qui préconise la poursuite ou la reprise
du travail afin de pourvoir aux besoins de la population et maintenir
la main d’œuvre en place, en excluant la livraison de matériel
militaire à l'occupant et les fournitures effectuées dans un esprit de
lucre. Cette politique «de moindre mal », qui au départ a recueilli un
large consensus, ne tarde pas à révéler ses limites, dans la mesure où
les Allemands ne pourvoient pas au ravitaillement de la Belgique en
échange de la livraison de produits industriels et où la lutte contre
la déportation de main d'œuvre est vouée à l'échec. En outre la
politique de présence prônée par Galopin entraîne inévitablement des
compromis face à la volonté de l'occupant d'exploiter au maximum les
ressources de la Belgique sans contrepartie. Conscient de cet échec,
Galopin ne la poursuit pas moins dans le but de sauvegarder le
patrimoine industriel et de préparer l'après-guerre. Son indépendance
et son pragmatisme, inspirés par le souci de préserver l'identité belge
et de mettre la Société Générale à l'abri de l'ingérence
allemande en se, jouant des rivalités entre l'administration militaire
et la S.S., mais aussi en refusant de suivre la politique du
gouvernement de Londres partisan d'un soutien maximum à l'effort de
guerre allié, tout en accordant l'appui financier de la Société Générale à
la résistance, suscite des réserves à son égard dans les deux camps.
Considéré comme le roi de l'économie belge et opposant au régime nazi,
il est assassiné le 28 février 1944 à son domicile par des membres du
mouvement collaborateur De Vlag contrôlé par la SS. Les tensions nées
du silence de Londres sur son assassinat et du désaveu de sa politique
à la libération sont apaisées par le gouvernement Van Acker qui par
l'Arrêté-loi du 25 mai 1945 restreint la portée de l'article 115 du
Code pénal sur la collaboration avec l'ennemi dans le sens défini par
la «doctrine Galopin». Personnalité réputée pour ses qualités
intellectuelles, son énergie et sa droiture, Alexandre Galopin inscrit
la défense de son entreprise dans le cadre de ses responsabilités à
l'égard de l'intérêt général et du personnel ouvrier. Membre du comité
permanent de la Société nationale des Chemins de Fer belges depuis
sa fondation en 1926 jusqu'en 1935, il y met au point un système
d'assurances sociales et organise les relations paritaires. Depuis sa
jeunesse son goût pour la recherche scientifique et technologique ne
s'est pas démenti. Dès la fondation du Fonds national de la Recherche
scientifique en 1928, il y participe activement à tout ce qui touche
aux relations entre science et industrie. G. K. –v. H.