Lieutenant au 2e lanciers
de l’armée autrichienne, Kallina pouvait espérer y faire une brillante
carrière, lorsqu'il s'engagea au service du Comité d'Études du
Haut-Congo, pour une durée de trois ans. Il partit pour l'Afrique en juillet 1882, en qualité d'adjoint, au traitement annuel de 2 400 francs. Stanley, fatigué par un long terme, malade, venait de quitter le Congo en prenant place, à Vivi, à bord du Héron, qui devait le transporter à Saint-Paul de Loanda, pour rentrer, de là, en Europe. Lorsque Kallina débarqua à Banana, la direction du Comité d'Études était entre les mains de Peschuel-Loesche. Le
22 septembre suivant, un bateau y déposait un groupe d'Européens, dont
Coquilhat. Le 30, Kallina se joignit à eux pour gagner Isanghila, où
ils rencontrèrent Peschuel-Loesche qui avait déjà remis la direction du
Comité au capitaine Hanssens et rentrait en Europe. On ne sait trop
pourquoi ni sur l'ordre de qui Kallina dut retourner à Vivi, où il fut
retenu jusqu'en novembre. Évidemment, ces changements si
rapprochés à la direction du Comité n'étaient pas faits pour faciliter
la bonne marche du service. Heureusement, le départ de Peschuel
laissait les coudées franches à Hanssens pour remettre les choses en
ordre et notamment à la station de Léopoldville, où il avait trouvé, en
y arrivant, Peschuel atteint de fièvres et Braconnier accablé de
sarnes. ( ancien terme médical désignant un type d'ulcères purulents) Hanssens
obtint des promesses du chef Galiema pour la tranquillité de la
station, promesses que ce chef ne devait guère tenir par la suite, et
il partit lui-même, pour Msuata dans le chenal. Il n'y avait de disponible pour ce voyage qu'une baleinière, l’ En-Avant ayant été privé d'un de ses éléments essentiels, le robinet de prise de vapeur mystérieusement disparu. Le
commandement de la station, avant son départ, était passé des mains de
Braconnier à celles du sous-lieutenant Grang, son second, nouvel
arrivé, encore jeune et inexpérimenté, mais courageux et solide. Le 17 octobre, Hanssens est à Msuata. Le 10 novembre, il fonde le poste de Bolobo, où le rejoint Coquilhat le 22 décembre. Pendant ce temps, Kallina était arrivé à Léopoldville, ayant comme instructions d'y rejoindre Hanssens dans le plus bref délai. Fidèle
à cette consigne, rendu impatient par les longues semaines d'inaction
qu'il avait passées à Vlvi, Kallina s'était pressé d'arriver et,
malheureusement, il arrivait trop tard : Hanssens était déjà parti. Gobila, chef de Msuata, venait précisément de descendre en pirogue à Léopoldville pour y charger de la marchandise. Kallina, ne trouvant plus son chef à Léopoldville, voulut, coûte que coûte, le rejoindre en pirogue. Pourquoi eût-il hésité ? Gobila ne venait-il pas lui-même de descendre jusqu'à Léopoldville ? L'En-Avant était hors service, la baleinière servait au transport de Hanssens ; Kallina voulut profiter de la pirogue de Msuata. « Il
s'y installa », comme le dit le rapport établi par le capitaine
Hanssens, à son retour - le 2 janvier 1883 - à Léopoldville.
« avec quelques hommes et malgré les pressantes sollicitations du
capitaine Braconnier, qui voulait absolument le retenir ; il partit le
23 décembre, gai comme un pinson et tout heureux d'aller vers des pays
inconnus. » Hélas! il ne devait jamais y aborder. Son
canot, creusé, comme toutes les pirogues indigènes, dans un tronc
d'arbre, présentait peu de stabilité ; il ne parvint pas à doubler la
pointe qui borne en aval de Kinshasa, l'entrée du Stanley-Pool. A
cet endroit existe un rapide dont la saison des hautes eaux augmentait
encore la violence. Le canot fut saisi de côté par les lames et
immédiatement culbuté. Kallina, l'équipage et les marchandises furent
précipités dans le fleuve. Quelques hommes et deux chiens parvinrent à
atteindre la rive à la nage. Kallina et trois Noirs trouvèrent la mort
dans les eaux du fleuve. Grang, qui était en charge de la station
de Léopoldville, fit vainement rechercher le corps de Kallina. La
violence du courant avait, sans doute, emporté le jeune officier vers
les rapides du fleuve qui commencent quelques kilomètres plus bas. Il
ne fut pas possible de lui donner une sépulture, mais il reste de lui
mieux qu'une stèle dans un cimetière, quelque chose de plus grand, le
rocher de Kallina lui-même, qui semble un monument inespéré pour la
jeune victime à laquelle il a emprunté son nom. 16 Avril 1947. L. Guébels.